Si je connaissais déjà Souleymane Ouologuem avec qui nous avons réalisé un atelier à Ouagadougou en 2006, c’est dans le cadre du programme Koré Qualité, que j’ai rencontré Amadou Sanogo, Bako Touré, Elie Théra. Ensemble, ces quatre artistes invités aujourd’hui dans l’espace de l’exposition Bi Mali, le Mali contemporain sont des partenaires du programme spécifique dans la rencontre et le dialogue qu’il organise entre des artistes de plusieurs générations : des artistes confirmés et des artistes émergents.
Trop souvent, les artistes travaillent du début à la fin d’une série d’œuvres sans bénéficier du recul critique que peut apporter un regard extérieur informé et intéressé. Le programme Kôré-Qualité apporte ce regard sous plusieurs formes. Il organise des ateliers pendant lesquels les artistes se parlent et discutent des œuvres les uns des autres. Des artistes d’expérience comme Abdoulaye Konaté, Siriki Ki, Soly Cissé pour n’en citer que quelques uns, leur apportent un encadrement. En tant que critique et commissaire, et avec quelques collègues dont Bisi Silva de Lagos, nous avons également eu à apporter notre regard, nos références et nos remarques. Je connais très peu d’artistes, même confirmés, qui ont bénéficié d’une telle qualité d’accompagnement.
Ces quatre artistes ne représentent qu’une partie des artistes impliqués dans le programme Koré-Qualité. Nous les avons retenu parce qu’ils sont engagés dans des démarches esthétiques qui méritent le respect en ce qu’ils renoncent aux confusions alimentées par le montage, le collage et tous ces artifices, dont les artistes abusent parfois maladroitement, au point de mettre l’art en danger,
Après la génération des Abdoulaye Konaté, Ismael Diabaté, Dolo Amahiguere, Souleymane Ouologuem est apparu comme l’un des artistes les plus motivés de sa génération. Président fondateur de l’Association Anw-Ko’Art, il se bat pour vivre de son art et pou contribuer à améliorer les conditions de travail des artistes plasticiens au Mali. La force de son travail tient à son ancrage dans la culture Dogon d’une part, et à la qualité technique de sa peinture, toujours bien maitrisée dans ses couleurs et ses tons.
A 38 ans, Amadou Sanogo a déjà une écriture qui s’affirme dans ses choix de couleurs et son graphisme. Dans ses motifs, on retrouve parfois des éléments et des tons traditionnels du bogolan, mais c’est toujours la facture symbolique des personnages, leur posture et le refus de la fantaisie et du remplissage complaisant, qui laissent l’impression principale d’une maturité et d’une beauté qui deviennent manifestes quand on se laisse toucher par les éléments du nouveau code pictural que l’artiste propose.
La peinture de Bako Touré se déroule entre deux pôles : le pôle objectif de la communication dont il adopte les codes pour composer des tableaux dont le sens coule de source ; le pole subjectif de l’expression qui reprend dans l’envolement des danseurs, le rêve de promotion et de décollage qui nous chevauche, un jour ou l’autre. On aime ses couleurs franches et l’expressivité directe de ses émotions.
Elie Théra semble avoir signé un pacte avec la culture et les traditions Bwa (Bobo), une culture minoritaire au Mali autant qu’au Burkina-Faso, les deux pays qu’elle chevauche. Sa peinture n’en est pas folklorique pour autant. C’est qu’il a su s’arracher aux anecdotes pour rechercher des figures minimales qui semblent surgir des fonds de grottes préhistoriques. Sa touche sèche rappelle le travail des tailleurs de pierre, puis esquisse des formes minimales sur de grands plans monochromes.
Avant cette exposition des jeunes artistes maliens à Abidjan, dans le cadre de la collaboration entre Fondation du Festival sur le Niger et La Rotonde, Valérie Oka et Mohamed Diabaté dit Cekko ont été invités à exposer à Ségou. L’exposition Bi Mali est donc une étape dans un programme de collaboration appelé à se développer et à s’intensifier. Nous y travaillons.
Yacouba Konaté,
YK©mars 2015