(Lamentin, Martinique, 1934 – )
S’il est un artistique de la Caraïbe qui a rencontré l’Afrique, l’a inscrite au plus profond de son être et en a fait un lieu de vie permanent, c’est bien Mathieu Gensin. Martiniquais, diplômé de Ecole des Arts Appliqués de Fort-de-France et de l’Ecole des Arts Décoratifs de Nice, il s’est établi en Côte d’Ivoire en 1959. Il était un lamantin venu boire aux sources méconnues de sa négritude. En 1966, il représente la Côte d’Ivoire au Festival mondial des arts nègres de Dakar avec le sculpteur Christian Lattier, Surfant sur cette participation et soucieux de donner plus d’envergure à sa présence sur la terre-mère, il crée avec deux autres Martiniquais, Serge Hélénon et Louis Laouchez, eux également établis en Afrique, un mouvement dont le nom est tout un programme identitaire : le groupe Négro-Caraïbes. Il s’agissait, pour eux, de hurler leur désir de pont entre la terre des origines (l’Afrique) et la terre d’accueil (la Caraïbe). << A la recherche de mes origines, je retrouve la lutte des réalités. Cette nouvelle voie m’a conduit vers le primitivisme de l’art négro-africain >>, explique Gensin.
Les expositions des artistes du groupe négro-Caraïbe et le poids de Serge Hélénon sur les productions de ses étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts d’Abidjan donneront naissance au Vohou-Vohou. Cet autre mouvement aura pour mot d’ordre les questionnements identitaires et la contestation des principes académiques de création.
Mathieu Gensin n’a de cesse de fusionner les Afriques dans ses œuvres. Il est à l’âge des rites de passage. Il fait mémoire des siens, convoque les danses sorties des bois sacrés, s’empare des chants lancés vers les dieux, reprend les contes dits les soirs de clair de lune, écoute les vents hurlés des cyclones qui balayent la terre Caraïbe…
En 1998, Mathieu Gensin a remporté le Grand Prix du Président de la République de Côte d’Ivoire pour les Arts plastiques.
Henri N’KOUMO, critique d’art