On se rappelle la formule : « le style, c’est l’homme.» On peut la comprendre d’au moins deux manières. L’homme crée son style ou bien le style génère l’homme, en l’occurrence l’artiste. Cette deuxième hypothèse est séduisante en ce qu’elle pose l’effectivité du style au carrefour de plusieurs chemins, où finalement le style prend l’homme dans un mouvement tourbillonnaire et l’emporte vers ce qu’il sera.
Le style de Monné Bou, c’est bien entendu le jet, cet exercice d’énergie, de vigueur, de justesse qui fait de sa peinture une performance à la fois physique, intellectuelle et esthétique. Physique, la technique du geste l’est parce qu’elle frappe sa cible à distance comme un tireur à l’arc. Intellectuel, le geste de Monné Bou l’est en ce qu’il est le fragment d’une idée à circonscrire à la face du tableau qu’il vient frapper.
Esthétique : Monné Bou est un maître de la couleur qu’il sait mettre en musique.
De son propre aveu, l’artiste en est venu à cette forme de culture par sa volonté de rupture avec l’académiste et par une exigence d’innovation.
Pour autant, il n’a pas choisi les voies tranquilles et confortables sans risque ni audace. Il a plutôt choisi la voie des acrobates, celle des funambules qui sur un fil dressé, prennent le risque de se rater. Il a choisi le chemin de l’épreuve et du défi à lui-même.
Ce chemin passe par la concentration qui aligne le corps et l’esprit et qui fait du geste pictural un jaillissement de tâches.
Monné Bou ne laisse pas ses tâches jetées au hasard des agencements aléatoires comme l’ont fait certains peintres abstraits, notamment les expressionnistes. Il prend sur lui de les recadrer pour faire surgir la luminosité des traits et des lignes qui arrivent comme une main amie qui vient vous sortir du brouillard de la nuit.
On peut dire : Monné Bou ! C’est technique. C’est vrai que tout l’art n’est pas dans la technique et toute technique n’est pas artistique. Mais lorsque la technique se met au service de l’idée, de l’émotion, du beau ; lorsque la technique est vivante, jamais assurée mais toujours ouverte sur le travail et la recherche ; lorsque la technique intègre le risque de l’échec, et épouse la symphonie des lignes mélodiques de la couleur, elle exprime quelque chose de fondamentalement humain qui a à voir avec le sublime : cette apparition troublante, effrayante même qui nous ravit tout en nous renvoyant à notre éternelle fragilité. Il y va de ce mélange subtile du risque et de l’assurance dans l’œuvre de Monné Bou, le peintre de l’homme et de la nature qui cultive un sens du graphisme éblouissant.
Yacouba Konaté © novembre 2019