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Pascal KONAN

1. Pascal Konan est né à Abidjan, dans le quartier d’Attécoubé, en 1979. Très tôt, il s’initie à la calligraphie avant de rejoindre le lycée Artistique puis l’Institut National Supérieure des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC). Diplômé de  l’Ecole des Beaux-Arts et professeur d’arts plastiques, il tient la peinture pour sa vocation.
Entre port et lagune, Attécoubé se donne Adjamé, le quartier des indigènes du temps colonial comme porte de sortie privilégiée vers le Plateau, le quartier des affaires. Adjamé endosse le plus grand marché du tout Abidjan et de toute la Côte d’Ivoire. Ce marché mord et même mange le boulevard Nangui Abrogoua, qui voit passer plus d’un million de personnes par jour.
Adjamé, Nangui Abrogoua, le marché d’Adjamé, le black market, la gare routière, le marché gouro… : maintes fois ces lieux emblématiques de l’urbanité ivoirienne ont été peints et photographies, contés et racontés. Tant et tant de fois, avec des fortunes diverses, les artistes et les chercheurs ont relayé la grosse clameur du lieu, la houle étouffante des passants, le braillement gaillard des haut-parleurs portant les paroles de toutes les causes. Comment alors  imaginer ce lieu sans son flot de bruits et de couleurs, et sans ses flux de marchandises et de personnes ?
2. C’est le mérite de Pascal Konan d’avoir réalisé cette prouesse. Il la réussit à partir d’un réalisme pictural qui pourrait se réclamer d’une triple filiation : celle de la peinture figurative ; celle des peintres de la ville ; celle des artistes de la récupération et du recyclage. Ces trois courants de créations alimentent tour à tour son style, son thème, et son écriture.
D’octobre 2010 à avril 2011, à Abidjan et un peu partout en Côte d’Ivoire, tonne la déflagration finale de la longue crise sociale débutée au milieu des années 1990. Les artères principales de la ville d’Abidjan, se transforment parfois en terrains de bataille. On se terre où on vide les lieux. La ville ne se réveille pas, elle ne dort pas non plus. Nangui Abrogoua se repose de sa puissance économique, sociale et historique. Elle perd la clameur agissante et son monde fou. Pascal Konan est touché par la grise mine que fait le boulevard Nangui. Sans ses foules et sans l’insolence des apprentis de minicars dits gbakas, sans ses commerçantes qui encombrent les trottoirs et la rue, Nangui Abrogoua c’est comme une belle de nuit sans fard ni bijou.  Alors, l’artiste compose une série de tableaux à dominante grise, pour interroger l’étrangeté de la ville et du quartier sans ses bruits, ses saveurs, ses odeurs. Il délave les foules virtuellement présentes mais tristement absentes. Ces tableaux de sortie de crise sonnent juste, en ce  qu’ils traduisent l’état d’âme d’une ville, d’un pays, d’une société en état de choc.

3. La nouvelle série que signe aujourd’hui Pascal Konan, compile des fenêtres sur toits. Cette option thématique confirme sa sortie de la tranquille insouciance des enfants rieurs qui marquèrent ses travaux résolument figuratifs de la période 2010. L’artiste ne met pas seulement une sourdine au grouillement ordinaire de la ville telle qu’elle s’exprime dans la peinture populaire dite naïve, il innove également dans le choix de son point de vue. A la différence des peintres de l’urbanité qui ont peint la cité dans des proximités complices avec les commerçantes ou les loubards, Pascal Konan voit la ville de haut et de loin. Il garde ses distances. Non pas pour toiser, mais pour esquisser l’hypothèse d’une identité formelle de l’espace urbain en rapport avec la texture des toits. Tôles ondulées pour les uns, tuiles et dalles pour les autres. Tôles ondulées, tôles rouillées. Rouillées et roulées par le vent,  la poussière et la pluie tropicale. Plus les quartiers sont pauvres, plus leurs toits épousent le brun du cuivre, et moins il y a de points de verdure.
Dans les poubelles à ciel ouvert qui jonchent les rues des quartiers pauvres, dans l’amoncellement des déchets de toutes sortes, chacun peut noter une proportion de plus en plus grande de déchets verts et cuivre. Ces déchets électroniques et électriques confirment la thèse des environnementalistes qui s’inquiètent de ce que les pays africains sont devenus des dépotoirs des pays occidentalisés. Non seulement on importe au grand jour des vieilles carcasses  interdites de circulation en Europe, mais encore, de jour comme de nuit, entrent des containers de réfrigérateurs déclassés, d’ordinateurs obsolètes, des matériaux électriques, électroniques, sans omettre les déchets toxiques des industries de la santé et du nucléaire. Sans oublier l’électronique de pacotille qui vend des objets notoirement précaires.

4. Dans ses œuvres, Pascal Konan recycle des composants électriques comme prendre acte de cette tendance lourde de l’actualité africaine de la globalisation du monde. Ses tableaux déroulent une perspective qui transite par des hommes et des femmes comme il faut. Debout devant de grandes baies vitrées, certains ont le corps tatoué de lettres. C’est vous dire s’ils sont instruits. Ces personnes qui tutoient les toits d’â côté, qui s’offrent une vue plongeante sur le voisinage, ne voient pas seulement le monde, ils le gouvernent ou tout au moins, ils participent à sa conduite. Ils rêvent le futur pour ceux d’en bas qui n’en auront pas.
A aucun moment, la touche de l’artiste ne se fait grinçante ou agressive. L’esprit de légèreté que symbolise le funambule auquel il consacre l’une des œuvres de cette dernière série, proscrit l’esprit de lourdeur. La tension latente entre le vert et le cuivre est amortie par un fond gris apaisant. Ni colère, ni compassion. La vision distanciée des regardeurs ne se prête pas aux effusions émotionnelles. La construction du tableau reste maîtrisée. La touche de l’artiste tombe propre et nette.
De par la progression ordonnée de son écriture et de par la sobriété de ses thématiques, Pascal Konan n’est pas des enfants terribles de l’art ivoirien. En revanche, il est l’un des artistes dont le sens du travail et l’esprit de recherche conquièrent un public de plus en plus large d’amateurs et de professionnels. D’ores et déjà, il est l’un des artistes les plus pertinents de sa génération.

Yacouba Konaté © juin 2017

Commentaire (1)

  1. répondre
    Gbehi agora jean Daviddit

    Salut chère Mr Pascal konan. Nous sommes étudiants en licence 1 d’art plastique à l’université Félix houphouët b d’Abidjan. Nous aimerions vous rencontrer dans le cadre d’un exposé sur les artistes contemporains de la côte d’ivoire. Merci de bien vouloir prêter allégeance à notre doléances car se serait un honneur pour nous de faire cet exposé sur un grand artiste comme vous. Merci

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