La Rotonde des arts contemporains d’Abidjan-Plateau accueille, depuis le jeudi 7 décembre, pour sa dernière de l’année, l’expo d’une figure tutélaire des arts visuels ivoiriens, avec la féminité trônant en reine.
Après cinq années d’absence qui ne l’ont guère empêché de créer, James Kadio Houra renoue avec les cimaises. A travers une exposition intitulée « Des sourires et des femmes », le plasticien, icône des arts visuels ivoiriens, africains ou tout simplement contemporains, ne rompt point les amarres avec son thème préféré d’exaltation de la beauté féminine.
En tout cas, le vernissage de l’exposition, le jeudi 7 décembre, à la Rotonde des arts contemporains d’Abidjan-Plateau, sous la présidence du ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman, a donné de (re) voir une palette toujours aussi flamboyante qu’elle l’est depuis quatre décennies, ainsi qu’une ode à la vie dont la femme est la matrice.
Le commissaire de l’expo, Pr Yacouba Konaté, philosophe et critique d’art, face à la touche sui generis de son pinceau, confiera: « Voici James Houra, le peintre du pagne et le peintre des femmes et du sourire. Sous son chapeau, comme devant un miroir, la femme chez James Houra est belle et élégante. Son sourire est éclatant, à la dimension des faisceaux qui morcellent son doux visage. Les sourires, il y en a de tous les genres. Celui des femmes de James Houra n’est pas celui de la Joconde. Ici, point de mystère ni de multiplicité des points de vue. Du sourire, Saint-Exupéry a dit : « L’essentiel, le plus souvent, n’a point de poids. L’essentiel ici, en apparence, n’a été qu’un sourire. Un sourire est souvent l’essentiel. On est payé par un sourire. On est récompensé par un sourire. On est animé par un sourire. Et la qualité d’un sourire peut faire que l’on meure ». Ou, a contrario, que l’on vive, ressuscite même avec la magie picturale et la chaleur chromatique du maître James Houra.
Matrice sociétale
De « Beauté Akan » à « Scène de marché », en passant par « La vendeuse au chapeau », « La mère et l’enfant » ou encore « Le regard », le regard de l’esthète comme du spectateur lambda laisse percevoir une vie enchantée, à labour comme en farniente. Le tout mettant en lumière les parures et surtout le textile africain, le kinté (kita), ce pagne traditionnel akan dont la géométrie sur fond de damier constitue le champ de fond des créations.
Faut-il le noter avec Yacouba Konaté, à la différence des peintres populaires, James Houra applique à ses sujets une écriture figurative-informelle qui, par son exigence et son niveau de langue, les émancipe de leur contexte social. Ainsi, le peintre de la femme au sourire devient le chroniqueur des scènes sociales abidjanaises et ivoiriennes. Ainsi donc, sans la déifier ni la réifier, James Houra fait de la femme un être de contemplation sociétale en en étant la matrice. Mère, épouse, sœur, fille, elle l’est, tout en une.
« Immortel », membre de l’Académie des arts, des sciences, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines (Ascad), l’ancien directeur des Beaux-arts d’Abidjan, actuel inspecteur général du ministère de la Culture et de la Francophonie ne pouvait que réunir tout le gotha des arts et de la culture du pays à son vernissage.
Public qui, bien évidemment, n’avait d’autre choix que l’allégeance à l’immensité de son talent. Et devant une écriture bien singulière. Dans celle-ci, il fragmente son espace pictural avec de petites figures géométriques, dans la logique structurelle du kaléidoscope. D’aucuns nomment son écriture le «style en damier». Son langage, accessible, est apprécié des amateurs.
Docteur en histoire de l’art, James Houra a été président de l’Association des artistes plasticiens de Côte d’Ivoire. Il a participé à diverses expositions nationales et internationales. Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques et privées. En 2004, son grand tableau, «L’Offrande», a remplacé une œuvre de Bernard Buffet au salon d’honneur du Palais présidentiel d’Abidjan-Plateau.
REMI COULIBALY